Premiers pas au SERPAJ PY

Depuis le temps que j'en rêvais... j'y suis!

Me voici enfin volontaire de solidarité internationale. Embarquée dans une aventure humaine dans laquelle je ne maîtrise rien ou presque, tributaire d'une organisation dont je commence à peine à comprendre le fonctionnement (ou certains de ses aspects!), propulsée à une place d'observatrice (de l'observation participante, comme je dis aux étudiants!) je passe le plus clair de mon temps concentrée pour comprendre ce qui se dit, ce qui se joue, ce qui se passe...

Il y a ce que je comprends, ce que je crois comprendre... mais que je comprends beaucoup mieux en y revenant... et ce que je ne comprends pas. Le vocabulaire me manque parfois (pour  comprendre, ou pour parler), mais au-delà des mots, les us et coutumes, la culture que je ne connais encore que très peu me donnent parfois l'illusion d'accéder à une réalité que je ne perçois qu'incomplètement.

Un exemple tout bête : une personne m'accueille en me proposant un café, j'accepte avec joie : "si, gracias!" Je la vois se servir son café, le boire devant moi en m'expliquant combien elle a constaté le goût des français pour le café à l'occasion d'un de ses voyages ... sans préparer une seconde tasse pour moi. Quelle malotrue, me dis-je ! Je prends sur moi pour conserver mon sourire et me concentrer sur nos échanges, et parviens à passer rapidement à autre chose. Ce n'est que 3 semaines plus tard qu'une collègue m'expliquera combien je la perturbe à remercier chaque fois qu'elle me tend son verre de Tereré ; ici, "gracias" signifie qu'on n'en veut plus, me dit-elle ! 

J'ai eu beau me préparer à vivre un choc culturel, je prends conscience que celui-ci m'a rattrapée jusque sur des détails du quotidien auxquels je ne m'attendais pas. A chaque clef trouvée, le sourire est plus large ! ... Parfois confrontée à l'incompréhension, j'apprends à manier patience, prise de recul et ouverture culturelle. Je me convaincs de plus en plus aisément que ce qui m'échappe aujourd'hui me deviendra accessible bientôt... lâcher prise. Discipline intérieure pas toujours évidente, mais assez efficace.

J'ai donc commencé à approcher les différentes activités du SERPAJ PY. Je suis contente de comprendre à peu près  ce que l'on me raconte quand les gens ne parlent pas trop vite... c'est plus compliqué quand ils s'emballent ou qu'ils mélangent Castillan et Guarani...
J'ai commencé à assister à des réunions et des formations au sein du bidonville (qui se trouve en bas de notre rue!), comme au sein de ministères ou au siège de l'association, et chaque salarié me consacre, à tour de rôle, quelques heures pour m'expliquer son activité et me montrer ses outils... me voici "stagiaire" !

C'est passionnant de découvrir les différentes luttes menées et les moyens mis en œuvre dans un pays qui se relève tout juste d'une dictature très dure (finie à peine en 1989!). Processus d'identification des cadavres des disparus de la dictature, travail autour de la mémoire et démonstration des liens existant entre la structuration actuelle des mentalités et de l'organisation de la société d'une part et la dictature récente d'autre part, lutte pour la démilitarisation, pour les droits de l'Homme, contre les discriminations, pour la  liberté sexuelle, contre les abus sur les enfants, pour les droits des femmes, pour une réelle citoyenneté, pour une vie digne dans les Bañados (bidonvilles en zone inondable) ou dans les communautés de campesinos (paysans)... la liste est longue. J'ai la sensation d'ouvrir largement mon horizon et me régale !

Pour l'instant, c'est plus facile d'écouter et de lire les documents que de m'exprimer correctement moi-même... mais peu à peu, les réflexes de langage reviennent (ou s'établissent), mon vocabulaire s'enrichit et je suis chaque jour un peu plus à l'aise. Néanmoins, je sais qu'il reste du chemin...

Dans un premier temps, j'ai opté pour prendre part aux activités de l'ONG au sein du Bañado Norte. Sur 2000 hectares environ (Bañados Sur, Centro y Norte), vivent 23 000 familles soit 120 000 à 130 000 personnes, dans une situation de pauvreté, voire d'extrême pauvreté. Les premières familles se sont installées il y a une centaine d'années, mais nombreuses sont celles qui sont arrivées dans les années 50/70. Dans cette "ceinture de pauvreté" qui borde la capitale, les gens survivent grâce à des petits boulots, et des emplois précaires. Au Paraguay, pas de système de protection sociale (ni sécurité sociale comme nous la connaissons, ni assurance chômage, ni retraite...).

Depuis le début des années 2000, le gouvernement a élaboré un projet pour aménager le bord du fleuve  : une loi a érigé une partie du Bañado en réserve naturelle, le reste de la zone est voué à devenir une zone touristique, commerciale et de loisir comprenant un périphérique permettant de rallier plus rapidement le centre historique de la ville.  Aucun de ces aspects du projet ne prend en compte les populations des Bañados. A aucun moment, ils n'ont été consultés. Les concernant, le projet est sans ambigüité :  la vitrine voulue pour la capitale ne peut souffrir l'exposition d'une telle pauvreté. Les Bañadenses (habitants des Bañados) doivent quitter les lieux.

Depuis plusieurs années la résistance s'organise. Une partie du périphérique a déjà vu le jour (la avenida costanera... que nous empruntons tous les matins pour nous rendre au boulot en vélo). Le prochain tronçon programmé vise le Bañado Norte... L'actualité y est donc angoissante pour les habitants, et la mobilisation d'un certain nombre d'entre eux ne faiblit pas. Le SERPAJ les soutient dans leur lutte pour l'accession à une vie digne au sein du Bañado, leur lieu de vie, leurs racines. Ils m'ont demandé de prendre mon appareil photo pour témoigner de ces conditions de vie, de leurs luttes, du soutien apporté...

J'observe donc, et je photographie. Je vous raconterai bientôt.

Myriam

Comments

[galand]

Bonsoir

Nous voyons que chacun commence à prendre ses marques et avoir une mission bien à lui. Alors bravo à chacun. Que donne la vie à l'école pour les enfants?

Etienne et Nathalie

[GANNE]

Bonjour les amis, que c'est passionnant de lire vos aventures... gracias (en-core !)

Comment va Maylis depuis l'aventure du pouce ? Elle aura des choses à partager avec Marianne... Nous avons bien pensé à vous, le WE passé (WE des montées scoutes). Vous êtes bien présents. ET par ce que vous avez semé ET par votre témoignage actuel. Merci pour cette mission qui énergie et nous inspire, nous aussi. Nous vous embrassons, les Gann's

[seb]

gracias ;-)