Du producteur au consommateur : un rapprochement pour le bien de chacun !
Decidamos est une ONG qui a vu le jour à la fin de la dictature de Stroessner (le 2/3 février 1989), et qui vise à former et accompagner les paraguayens dans l'exercice de leur citoyenneté, pour une démocratie effective.
Auprès des campesinos (paysans), cette ambition se traduit par un soutien concret de communautés locales de familles d'agriculteurs à travers le pays. Decidamos les aide à s'organiser en sorte d'associations ou coopératives pour leur permettre notamment :
- d'exister sur la scène publique, qu'ils puissent porter leurs revendications (dans les zones envahies par la monoculture intensive du Soja par exemple!),
-d'améliorer leur production (se départir des engrais chimiques, pesticides et autres semences génétiquement modifiées par exemple et revenir à une production plus saine)
- d'améliorer leurs circuits de production en favorisant la vente directe et le rapprochement entre campesinos et consommateurs urbains
- d'être informés sur leurs droits et possibilités offertes aux citoyens (consultation des comptes publics, accès aux comptes-rendus de l'action du maire, ...).
Dans ce cadre, chaque mois, Decidamos organise une feria (marché) sur une place de la capitale pour qu'à tour de rôle, les familles de campesinos viennent vendre leur production aux citadins.
L'ONG finance les transports de chacun, fournit les stands et les autorisations municipales nécessaires, les tabliers, sacs plastiques et autres petits matériels nécessaires... Au-delà de cette organisation matérielle, elle leur demande de se mettre d'accord sur des prix communs et homogènes pour chaque type de produit vendu et éviter une mise en concurrence stérile et des tensions entre campesinos.
A titre d'exemple, un kilo de tomates vendu à un intermédiaire de la grande distribution leur est payé 1000 guaranis, 2000 s'ils le vendent directement à un supermarché, et 3000 guaranis en vente directe sur le marché. Sur la majorité des produits, les gains sont trois fois supérieurs à ceux réalisés habituellement à l'occasion des ventes à la sortie de la ferme. Pour la manioc le rapport est de 100 à 2000 (soit un gain 20 fois supérieur!). Pour autant, les prix pratiqués à l'occasion de la feria sont légèrement en-dessous de ceux affichés dans les supermarchés.
Plusieurs familles cuisinent sur place des plats traditionnels que viennent consommer les clients, les passants comme les personnes qui travaillent dans le quartier.
On trouve beaucoup de viande grillée (asado),
du manioc, de la sopa (entre le pain et le soufflet de maïs),
du mbeyu (galettes de farine de maïs et de manioc, et fromage paraguayen),
bori-bori (bouillon de légumes avec poulet et boulettes de farine de maïs).
C'est l'occasion de se régaler pour un prix modique (entre 1,5 et 2,5 euros soit 10 000 à 15 000 guaranis le plat), dans un cadre simple et convivial et de rencontrer des personnes venues d'horizons très divers (du salarié de la banque, à la personne âgée désœuvrée, en passant par la famille en promenade, le policier en service, l'étudiant, le militant, le touriste...)
Le 17 décembre, a eu lieu une grande feria réunissant les 15 associations campesinas avec lesquelles travaille Decidamos (soit 45 familles environ).
Pour valoriser le travail et l'image des campesinos et retracer les grandes étapes qui permettent d'aller de la semence jusqu'à l'assiette, j'ai proposé à DECIDAMOS une stand exposition photo. Cela a été accepté et Decidamos a financé les agrandissements de 30 photos. La présentation a illustré la semence et le travail de la terre / la culture des légumes et fruits / la vente de la production par les campesinos eux-mêmes / la cuisine à partir de leur production. (voir l'album photo "expo du 17/12")
L'exposition a bien fonctionné, a été vue par pas mal de personnes. Certains admirateurs auraient même voulu acheter les photos mais là ce sera pour la prochaine fois car cela demande un travail de préparation pour intégrer le fait qu'une photo de campesino ou de légume puisse se vendre et s'acheter...
Decidamos a donné à deux des campesinos présents leur photo agrandie ; ils sont repartis avec, fiers et souriants. Désormais nous avons décidé de prendre cette exposition photo dans nos déplacements pour la montrer, la rendre itinérante et de remettre à chacun des figurants "sa" photo.
La prochaine grande vente se fera lors de la semaine pascale, en mars.
Ces férias ne sont pas sans rappeler des pratiques en France comme les AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne), les marchés locaux, la volonté de raccourcir le circuit producteur/consommateur, l'emprunte carbone, les marges des grandes surfaces, les revenus des agriculteurs....C'est un peu comme si, d'un bout à l'autre de la planète, les mêmes questions se posaient et les mêmes esquisses de réponses s'élaboraient avec les intéressés, les ONG et les citoyens.
Hervé, le 3 février 2016...